mercredi 20 mars 2019

Le statut des aumôneries, une exception à la neutralité confessionnelle



Elles ont pu être classiquement envisagées comme un appendice aux règles affirmées dans la loi de 1905, simple parenthèse limitée à l’application de la règle générale d’interdiction des aides aux cultes. À ce titre le régime des aumôneries a été prévu à titre définitif dans cette loi.

On peut aussi de nos jours y voir le germe d’une application plus ouverte et « compréhensive » du principe de neutralité. Cette idée nous conduira à faire ressortir l’existence çà et là d’aménagements sectoriels inspirés du régime des aumôneries


Une atténuation au principe de laïcité pour garantir le libre exercice des cultes.
L’article 2 de la loi de 1905, après avoir formulé l’interdiction de financement des cultes par les collectivités publiques, prévoit que :
« pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumôneries et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics, tels que lycées, collèges, écoles, asiles et prisons. »
On trouve ici l’hypothèse unique de collaboration de représentants des cultes au service public admise dans la loi de 1905, qui prolonge une vieille tradition établie dès l’Ancien régime.
La loi de 1905 prévoit que, par application de la règle de non-financement public des cultes, les ministres du culte ne perçoivent plus de rémunération de l’État à partir du 1erjanvier 1906. C’est donc sous la forme d’une exception à la règle d’interdiction des financements publics aux cultesqu’est prévue la possibilité de création d’aumôneries dans la loi du 9 décembre 2005 (art. 2 al. 2). Les religieux aumôniers sont donc en principe rémunérés.
Alors que leur existence était seulement rendue possible par l’article 2 de la loi de 1905, toute une construction jurisprudentielle est venue renforcer ce vestige d’un ancien service public des cultes. Conceptuellement, on rencontre là un aménagement particulièrement intéressant de l’exercice de la liberté de religion, quiprend en compte ses deux composantes : celle d’une liberté-autonomie(respect de la liberté de conscience) et celle d’une liberté-prestation(respect de la liberté de culte). D’où une série d’obligations pesant sur les pouvoirs publics à plusieurs niveaux:
- Est imposée à l’Etat une obligation d’organiser ces aumôneries afin de garantir dans les lieux clos ou d’isolement des personnes la liberté des cultes. La jurisprudence a fait de cet encouragement à l’exercice de la liberté de culte d’abord à l’intentiondespersonnesvivantdansdesespacesclosuneobligationdesautorités

hospitalières à organiser des aumôneries pour garantir cette liberté (CE Ass. 6 juin 1947, Union catholique des hommes du diocèse de Versailles, Lebon 250). Ceci a été confirmé pour les aumôneries attachées aux lieux d’enseignement1. Cette jurisprudence vaut désormais pour tous les types d’aumôneries puisque la base juridique se trouve dans l’article 2 de la loi de 1905.
  • À cela s’ajoute une obligation pesant sur l’autorité organisatrice du service public de mettre à disposition un local approprié, ce qui constitue la garantie minimale de la liberté de culte (CE 6 juin 1947, Union catholiqueibid).Cette obligation a été étendue à un financement approprié des équipementsnécessaires à cesaumôneries.2
  • Pèse aussi sur l’autorité organisatrice du service public, uneobligation d’aménager le fonctionnement des aumôneries de manière à préserver la liberté de religion comme liberté-autonomie, ce qui suppose que les autorités administratives habilitées ne détiennent qu’une compétence liée pour agréer et le cas échéant radier les aumôniers sur la proposition des autoritésreligieuses.3


APERÇU DES REGIMES SPECIAUX DES AUMONERIES
LES AUMONERIES CIVILES
221. Les aumôneries des hôpitaux. La responsabilité de leur organisation incombe aux directeurs d’hôpitaux. Une circulaire ministérielle du 19 janvier 1976 prévoit qu’ils nomment les aumôniers des hôpitaux, sur proposition de l’autorité religieuse. La doctrine analyse l’exercice de ce pouvoir de nomination comme « permettant de s’assurer que la présence de l’aumônier n’est pas de nature à porter préjudice au bon fonctionnement du service public où il intervient », sachant qu’ « il ne porte en aucun cas sur les qualifications religieuses de l’aumônier qui sont appréciées par les seules autorités religieuses » (F. Messner, alii, préc.,p.458).
  1. Le régime des aumôneries des hôpitaux a été précisé par l’article 45 du décret du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers et hôpitaux locaux qui a introduit un article R. 1112-46 dans le Code de la santé publique selon lequel : « Les hospitalisés doivent être mis en mesure de participer à l’exercice de leur culte. Ils reçoivent, sur demande de leur part adressée à l’administration de l’établissement, la visite du ministre du culte de leur choix. » Il a été complété par une Charte du patient hospitalisé adoptée en 1995 qui précise que « l’établissement de santé doit respecter les croyances et convictions des personnes accueillies. Un patient doit pouvoir, dans la mesure du possible, suivre les préceptes de sa religion (recueillement, présence d’un ministre du culte de sa religion, nourriture, liberté d’action et d’expression…). Ces droits s’exercent dans le respect de la liberté des autres. Tout prosélytisme est interdit, qu’il soit le fait d’une personne accueillie dans l’établissement, d’une personne bénévole, d’un visiteur ou d’un membre du personnel. »(point VII de la Charte). L’analyse de l’ensemble de ces textes fait ressortir que « la liberté religieuse et, plus précisément, le droit à l’exercice du culte, constitue un véritable droit pour l’hospitalisé et que l’administration de l’hôpital, non seulement ne doit pas lui créer d’entraves, mais doit en organiser l’exercice » (H. Pochat, Hospitalisation et liberté de culte, in J. Fialaire [dir.], Liberté de culte, laïcité et collectivités territoriales, Litec, coll. Colloques et débats,2007).

    Texte de Dr Fialaire professeur émérite à la faculté de droit de 
    Nantes

1 commentaire:

  1. Bonjour j'ai envoyé un mail a l'adresse arhmbretagne@gmail.com au nom de Gulsevim, j'attends votre réponse, merci

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